Le thé, c’est un peu comme le vin (peut être sans l’effet enivrant!) : une plante, des terroirs, des récoltes, un savoir-faire de production lié à un héritage culturel, des rituels de dégustation et une perception gustative à explorer. En allant acheter du thé vert Genmaicha, ma Madeleine de Proust avec ses notes subtiles de riz soufflé et grillé, j’ai rencontré la fondatrice de Origines Tea and Coffee, Natalia. Elle m’a proposé d’autres thés tel que le ferait un caviste. Cela a éveillé mon intérêt car je cherchais depuis un moment à me former davantage au thé.
Quelques mois plus tard, me voila inscrite à la formation « Tea Sommelier » avec Origines Tea & Coffee à Bordeaux. Pendant deux jours, Denis Junqua nous a fait voyager dans le monde, à comprendre les différences entre un thé blanc, bleu, vert, rouge ou noir et à déguster quitte à avoir le palpitant avec tant de théine absorbée!
Je suis revenue chez Origines Tea & Coffee pour partager le processus créatif de Natalia qui se situe à la croisée des métiers de sommelière en thé et de parfumeuse. Ses origines d’Asie centrale distillent en elle une sensibilité incroyable pour les saveurs et les arômes. Au cours de cet échange, sa créativité joyeuse, fraîche et sans limite m’ont beaucoup inspiré. Elle ose associer, se perdre dans des accords, revenir sur le chemin et souvent être surprise pour encore explorer.
Une interview à siroter avec la tasse de thé qui vous fait du bien ou comme elle, un verre de vin rouge de Bourgogne!
Quel est ton parcours?
Je suis née et j’ai grandi au Kazakhstan jusqu’à mes 25 ans. C’est un pays vaste qui n’a jamais connu de guerre et où de nombreuses ethnies et de religions cohabitent ensemble. J’étais dans l’équipe olympique de gymnastique rythmique nationale et quand il fallait se rendre à une compétition, c’était environ 5 jours de train! J’ai grandi dans un contexte sportif à Almaty où j’ai suivi ensuite des études de langues étrangères et de commerce. Je suis arrivée en 2005 en France pour passer mon master en commerce international à Kedge. A mon arrivée, je ne parlais pas très bien français et ma plus grande fierté a été le jour où mes amis ont ri à l’une de mes blagues!
Comment es-tu arrivée au thé?
Au Kazakhstan, les gens s’invitent beaucoup les uns chez les autres pour boire le thé. Il y a une culture très variée en Asie centrale et le thé unit toute la région. Ce serait impensable de proposer une tasse de café ou même un verre de vin!
Le rituel du thé est inspiré de l’Inde où le thé chaï est composé d’épices. Au Kazakshtan, nous mettons du lait chaud au fond d’un bol typique puis on verse une infusion de thé noir Assam très corsée qu’on allonge parfois d’eau chaude. Ma mère le buvait traditionnellement de cette façon et elle adorait le thé Earl Grey.
Le thé fait partie intégrante de ma culture mais quand je suis arrivée en France, j’ai commencé par découvrir le vin! Mon souvenir le plus marquant a été l’accord qui peut être exquis entre un vin et un plat. Je me souviens du week end d’intégration où j’ai, pour la première fois mangé de la salade très fraîche, du camembert, une baguette et du vin rouge. C’était complètement nouveau pour moi et l’association des ingrédients a été une surprise incroyable.


A quel moment as-tu décidé de faire du thé ton activité?
C’est arrivé au fur et à mesure. J’avais déjà quelques envies de créer une marque de thé et la création de Origines Tea and Coffee s’est concrétisée avec avec rencontre de Loïc (avec qui nous sommes devenus d’abord les associés fondateurs et plus tard unis par le mariage dans la vie privée). Plus je découvrais ces matières, plus c’était passionnant et surtout sans fin! Un peu comme le vin… Ensuite, associer les différentes saveurs est venu naturellement.

Qu’est-ce qui te passionne le plus dans ton métier?
J’aime cette sensation quand je rentre dans ma bulle avec toutes les matières devant moi pour composer un thé. J’aime me replonger dans un moment lié à des saveurs particulières et de le recréer dans une composition. Dans ce processus, échanger avec les clients en boutique m’aide beaucoup. Pour les créations sur des sujets précis, je m’immerge complètement dans la thématique. Pour la création sur les Alpes, j’ai même tenté de faire une recette avec des crozets. J’ose sans limites et je laisse ma créativité me porter.
As-tu créé ton thé?
Le Earl Grey des Amoureux (que nous sommes en train de déguster) est une création qui est ma Madeleine de Proust. Ma mère adorait le Earl Grey et cela m’évoque les tasses que je lui servais. C’est également l’une de nos meilleures ventes car cette saveur de bergamote plait beaucoup. Par conséquent, je voulais créer un thé encore plus irrésistible. Un thé qui te réconforte, te détend, te rassure. Une sorte de thérapie. Quand on est amoureux, toutes nos perceptions et nos sens sont décuplés. On veut garder et revenir encore et encore vers cet amour. Je voulais que les personnes ressentent cela à la dégustation avec ce Earl Grey.
C’est un aboutissement personnel avec environ 12 ingrédients. Ma plus grande satisfaction est de voir les clients qui revenir à la boutique remplir leur poche vide!


Comment abordes-tu le processus de création d’un thé?
Je me mets dans une bulle de concentration très agréable. Je suis de bonne humeur et je me mets généralement à fredonner quelque chose de dynamique. Parfois, je démarre d’une feuille blanche où je mets des ingrédients sur la liste et je note quelques sensations. Après, je ne me mets aucune limite. Je me laisse porter par les arômes, les surprises et les associations qui peuvent en émerger. Il m’arrive d’arriver à un résultat satisfaisant rapidement. Souvent je tâtonne, je modifie et j’ajuste pour trouver l’équilibre qui me plait.
J’ai eu un très beau projet pour le restaurant gastronomique d’un château à Bordeaux. L’objectif était de créer un thé qui soit le reflet de leurs vins. Pour le vin blanc, je suis partie sur des bourgeons de thé donc de thé blanc et après, j’ai ajusté avec des notes que l’on retrouve dans le vin pour composer un ensemble harmonieux. Pour le thé inspiré du vin rouge, c’était plus complexe en raison de la couleur du vin. J’ai choisi des thés Pu Erh, Yunnan et j’ai aussi fait un ajout de Lapsang Souchong qui a des notes fumées. Pour la petite anecdote, mes recherches m’ont mené à un moment donné à un thé à la saveur d’une soupe de petits pois et de lardons fumés qui a finalement séduit le chef du restaurant. C’était une jolie surprise dans la recherche créatrice! Aujourd’hui, nous envisageons de travailler sur des créations de thé à partir des plantes de leur jardin.
Comment cultives-tu ta créativité sensorielle?
J’ai pris l’habitude de tout sentir. Avec le vin, j’ai découvert le Nez du vin des Éditions Jean Lenoir. C’est un excellent exercice pour entraîner sa mémoire à reconnaître des odeurs. Ensuite, c’est en pratiquant que l’on affine sa perception qui restera toujours très subjective. Il y a quelque temps, je trouvais des notes d’aneth en dégustant une mangue. J’étais la seule à trouver cet arôme… j’ai creusé le sujet car cette plante est très utilisée dans notre cuisine au Kazakhstan, j’y suis donc très sensible. Notre cerveau et notre perception olfactive offrent tellement de possibilités!

Comment sélectionnes-tu les thés qui sont à la base de tes créations?
Je déguste beaucoup et je compare par exemple une douzaine de thés Sencha. Tout comme dans le vin où tu dégustes une même appellation ou un cépage, les différences vont être subtiles mais clairement identifiables. Ensuite, seule l’expérience permet de choisir en fonction de la qualité de la feuille, de la couleur de la liqueur, de la fraîcheur d’herbe coupée ou des notes iodées, de la finale … C’est un savoir-faire qui demande beaucoup de pratique pour sensibiliser le palais en plus de connaître les critères spécifiques de chaque thé ou région.

De quoi es-tu la plus fière aujourd’hui?
C’est davantage un sentiment de satisfaction plus que de fierté. Je suis juste ravie de faire quelque chose au quotidien qui me plait. Je suis arrivée là où je dois être. J’ai entièrement trouvé ma place.
Quelles sont tes prochaines envies?
J’ai plein de choses qui me viennent en tête. La principale serait de créer des thés « signature » pour raconter l’histoire d’une personne, d’un produit, d’un lieu ou d’une entreprise. Tel un parfumeur qui crée un parfum sur-mesure.
Quelle est ta routine boisson?
Le matin, je tiens à ma tasse de thé noir Assam, Darjeling ou Earl Grey bien fort avec un nuage de lait. Quand j’arrive au bureau, je bois une tasse de café allongée. J’ai appris à l’apprécier avec toutes ses subtilités d’origine et de différences d’extraction grâce aux expériences que nous avons pu vivre en faisant le sourcing et la dégustation lors de la construction de notre gamme de cafés classiques et de spécialité pour Origines Tea and Coffee. Et sinon, j’adore le Champagne pour son raffinement, sa jolie coupe et sa connotation festive. Quand il pleut, un verre de vin rouge ou une tisane de plantes.
Quel est ta plus belle émotion de dégustation ?
J’ai un souvenir incroyable d’une cérémonie Cha No Yu à la japonaise. Ce rituel est un art. Le maître de cérémonie est généralement une personne haut placée et pendant la dégustation, le monde s’arrête. C’est une marque de respect, une bulle d’humilité et de profond silence où seul le tintement de la vaisselle et la vapeur de l’eau chaude qui coule sont perceptibles. Cette cérémonie nous plonge dans une hyper connexion intérieure. Nos sens sont aiguisés et c’est une dégustation en pleine conscience. Un contexte incroyable qui nous permet de ressentir pleinement la dégustation, être dans le moment présent et de vivre une expérience sensorielle unique.
Flot de conscience
- Un livre : mon auteur du moment, Joe Dispenza. Je lis en français, en anglais ou en russe
- Un film : Mary Poppins car c’est une femme parfaite, souriante, gentille. Elle m’inspire.
- Une musique : une musique ethnique entrainante qui monte crescendo. Cela vient surement des musiques que l’on choisissait pour les programmes de GR. J’aime aussi les musiques qui sont chargées d’histoire comme les chansons d’Adriano Celentano, Elton John, Stevie Wonder, Armando Trovajoli, Joe Cocker. Puis dans la musique plus moderne, j’apprécie la musique de ‘M’ ou d’Amir et toutes les musiques qui donnent envie de danser.
- Une fleur : le coquelicot
- Un animal : le cerf
- Une odeur : le carvi
- Une destination : la Grèce
- Une recette : le plov, un plat à base de riz, de viande et épices dont le carvi
- Une bouteille de vin : les vins rouges de Bourgogne et le Sancerre
- Un dimanche parfait : dans la nature, à l’ombre des pins en famille
- Un sport : la gymnastique rythmique. J’entraine aujourd’hui les enfants à la GR. Je n’imagine pas ma vie sans pratiquer ce sport, ni la danse. Je pratique la Danse Hall (danse de Jamaïque)
Pour retrouver toute les créations de Natalia,
La boutique Origines Tea and Coffee à Bordeaux à Saint Christoly et à la Galerie de Rive d’Arcin
ou
La boutique en ligne Origines Tea and Coffee
Vous pouvez me contacter à marie@cepagescommunication pour toute idée ou juste pour discuter, j’adore cela! Vous me retrouverez sur instragram @cepagescommunication ou encore ma page Linkedin
L’ensemble de ces textes et photos est le fruit d’un travail personnel, passionné, engagé et de longue haleine. Je vous remercie d’avance de militer pour le respect de la création artistique en ligne. Si mon travail vous plait et vous inspire des projets, contactez-moi à marie@cepagescommunication.com. Toute reproduction ou plagiat sont interdits.