Quel a été le déclic pour revenir sur la propriété familiale?
J’ai voulu quitter le secteur de la métallurgie où je m’occupais des RH pour des raisons personnelles. La décision de faire de la polyculture au Château Puygueraud est venue tout naturellement. J’avais connu mon père faire cela et c’est aussi à ce moment-là que nous avons décidé de replanter de la vigne.
En parallèle, nous avons abandonné la culture des céréales (blé, orge, maïs, luzerne semence, pommes, pruniers d’ente) et j’y ai ajouté une activité nouvelle, celle du kiwi sur les terres de Puygueraud. L’activité de Blonde d’Aquitaine est restée aux mains de mon frère, Mathieu.
Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est un “vigneron autodidacte”?
Mes expériences passées m’ont apportées une certaine aptitude socratique. C’est-à-dire que quand l’on ne sait rien, on va s’entourer de gens qui savent. J’aborde toujours les choses avec beaucoup de prudence. C’est peut être un manque d’affirmation mais c’est ma façon d’aborder les choses. J’observe et je m’entoure de personnes compétentes car je n’ai pas fait d’études d’oenologie ou de viticulture.
J’ai appris la taille, le tirage des bois, l’élevage ou la vinification avec les équipes sur le tas. En 1983, j’ai été surpris lors de la première vinification que j’ai faite au Château Puygueraud. Monsieur Chaîne, notre oenologue conseil à l’époque, m’avait dit “Nicolas, là, nous sommes en pleine année Moïse… c’est-à-dire sauvons-la des eaux!”.
Je ramassais les premières grappes et j’avais le bouquin de Peynaud “Comment faire les vinifications?” Mais je n’en avais jamais fait de ma vie ! Et merveilleux! Ça fermente tout seul. C’est une approche autodidacte mais c’est surtout la nature qui vient au rendez-vous.

Vous avez une certaine expérience de la rive droite avec le management de quatre châteaux et d’autres dans le passé. Comment décririez-vous cette richesse des terroirs sur la Rive droite?
J’ai travaillé les richesses des terroirs sur la rive droite mais je n’ai jamais encore connu la richesse des Graves de la Rive Droite (Figeac, Pomerol). Tout simplement car l’occasion ne s’est pas présentée.
Quand j’ai été nommé ici, gérant de Château Pavie Macquin, j’avais un certain doute. Ma femme m’a dit alors “Tu y vas et si tu n’y arrives pas, on saura te le dire”. J’y suis allé et c’est par la réussite de Pavie Macquin que l’on m’a confié par la suite d’autres Crus. Il y a eu d’abord en 2000, Château Bellevue situé au dessus de Château Angélus. Nous retrouvons un terroir avec de belles argiles et un substrat calcaire. En 2002, je me suis occupé du Château Larcis Ducasse. En 2008, Château Berliquet mais l’année précédente j’avais laissé la direction de Château Bellevue car Château Angélus avait racheté 50% des parts.
Je fais une grande dichotomie entre Pavie Macquin et Larcis Ducasse. Pour Pavie Macquin, les argiles très présentes apportent beaucoup de puissance, l’enjeu est de parvenir à donner une certaine grâce sans quoi on retrouve de la rusticité. En revanche à Larcis Ducasse, la finesse est là ainsi que le côté floral avec un terroir exposé au Sud avec des molasses qui conservent une certaine fraîcheur. On a les pieds au frais avec la tête au soleil alors qu’à Pavie Macquin, nous sommes sur le plateau assez froid avec un démarrage plus tardif au printemps.
Ensuite, on m’a confié le Château Beauséjour Duffau-Lagarrosse… la cerise sur le gâteau! C’est une perle lovée entre Beauséjour-Bécot et Canon avec l’Angélus à ses pieds et Clos Saint Martin à ses côtés.
A quel moment la recherche de la finesse opère-t-elle à Pavie Macquin?
Il faut d’abord ramasser mûr, il faut dompter la vigne dans ses rendements et nos méthodes de vinification doivent être douces. Il faut laisser la matière venir à soi. Je prends toujours cette comparaison. A Pavie Macquin, nous avons des cuves qui ont des prénoms de femme et d’une certaine façon, c’est une comparaison qui relève du domaine de la poésie. Avec une femme, il vaut mieux s’exprimer dans la tendresse, tout comme avec la matière d’un vin, pour en obtenir le meilleur.
Quand vous avez repris Pavie Macquin, quels ont-été les grands travaux?
Toutes les décisions prises ont été avec et grâce à Stéphane Derenoncourt qui était un simple ouvrier de chai avec une très grande sensibilité qui s’est révélé au point de devenir un vigneron autodidacte respecté. Nous sommes tous les deux Flamands et nous avons appris à évoluer ensemble au cours de ces millésimes. En 2019, c’était mon 25ème millésime à Pavie Macquin. Maintenant, on laisse davantage faire pour laisser l’énergie du terroir s’exprimer.

De toutes les propriétés que vous avez eu entre les mains, laquelle vous a-t-elle donné le plus de fil à retordre?
Berliquet sans hésiter! J’arrive sur place et je dis à M. de Lesquen qui voulait remonter ce cru avec certitude (cela vient en contradiction avec ce que je vous ai dit avant) : “Berliquet est un Cru qui devrait avoir tout le temps des notes de plus de 90 points!”
Premier millésime en 2008 que j’obtiens 85-86 points, deuxième millésime 87-88 points… la douche froide. L’inconvénient à cette époque est que les négociants ne se mouillaient pas du tout. Les prix sortaient, on mettait une note en face et ensuite cela se vendait ou pas. Je n’ai jamais réussi à faire décoller ce vin aux yeux de Robert Parker. Il y avait un encépagement assez Cabernet et il y avait toujours une grande fraicheur et tension. J’ai toujours pensé qu’il saisissait cette tension comme une sous-maturité. C’est quand même dommageable. Nous avons toujours eu des problèmes de trésorerie sur cette propriété avec des petits rendements, des petits prix et un manque de reconnaissance. C’était un management difficile où les actions étaient très limitées.
Je n’ai jamais eu le coup de folie que j’ai eu à Larcis Ducasse en 2005 en changeant les prix de 15 à 60 euros. Un coup de folie qui m’a permis de repositionner Larcis au-dessus des 20 euros par la suite.
Quelles seraient les grandes qualités pour faire un grand vin?
Nous sommes seulement des maîtres accoucheurs. Seul un terroir bon peut produire de grands vins. Il faut avoir la chance de tomber sur de grands terroirs et le comprendre pour lui permettre de s’exprimer.
“L’origine peut-être belle, la beauté véritable est au terme des choses”. Pouvez-vous nous éclairer sur votre citation?
L’origine est un acquis qui ne dépend pas de nous, cela nous est donné mais il faut savoir la mener à son terme. Cela n’est pas évident!
C’est une phrase programme que je me suis dite en arrivant ici. La beauté est un épanouissement, un accomplissement comme une fleur qui s’ouvre.
Avez-vous des vignerons et des personnes qui vous inspirent?
Je m’appuie très fortement sur Stéphane Derenoncourt. Il m’a surtout appris une sensibilité de la taille de la vigne à la mise en bouteille car il nous suit pas à pas. J’ai aussi connu Michel Rolland. Il nous a appris à ramasser des raisins mûrs, chose que nous ne faisions pas avant.
Vous travaillez en famille avec Cyrille, votre fils. La famille Thienpont est une grande famille dans le monde du vin, quelles sont ses valeurs?
Il y a un esprit de solidarité familiale. Nous sommes flamands et à une certaine époque la catholicité était assez prégnante. Il fallait offrir à Dieu les œuvres que nous pouvions avoir, c’est-à-dire avoir des enfants. Nous sommes une fratrie de 13 enfants. Il y avait donc cette solidarité où l’argent ne passait pas en premier et l’entraide primait à la maison.
Quel flambeau souhaitez-vous transmettre aux générations futures lorsque vous dites “nous ne sommes que de passage”?
J’aimerais transmettre la notion que la Nature nous dépasse et qu’elle est plus forte que nous. Je leur apprends à ne pas tomber dans les travers ou le dogmatisme vert. Cette nature nous dépasse et j’aime cette citation : “On ne commande à la Nature qu’en lui obéissant”. C’est l’amour du terroir, des cépages que l’on a sélectionné et qui doivent demeurer. Je ne suis pas favorable aux nouveaux cépages qui parfois n’ont pas de goût tout en nous faisant peur sur l’avenir. Je suis tout à fait conscient que les vins que nous faisions il y a 150 ans étaient différents de ceux d’aujourd’hui.
“Vous serez grands parce que vous êtes montés sur nos propres épaules”. C’est-à-dire que cette transmission de génération en génération est importante car elle permet à la génération suivante de voir plus haut et plus loin car elle monte sur les épaules de la précédente.
Le respect des sols est un élément important dans la transmission. Lorsque les vins vivent, nous gagnons en qualité et en précision. Je suis contre les extrêmes que je qualifie de fascisme vert, je suis réaliste et conscient de la situation mais je reste optimiste car je crois en la nature.

Y a t il un terroir ou cépage que vous aimeriez vinifier?
A mon âge, il n’y a plus cette folie! En revanche, j’aimerais voir les résultats des sélections massales de cabernet franc à Pavie Macquin que nous avons faites…
Quels sont les défis de demain pour le Château Pavie Macquin?
Le défi est d’avoir une reconnaissance plus accomplie. Nous avons toujours à gagner en aura, en notoriété comme peut l’avoir une propriété comme le Vieux Château Certan.
De quoi êtes-vous le plus fier?
Mes cinq enfants! Cyrille a quitté le béton pour me rejoindre sur la propriété. Le second, Jérôme est dans le négoce chez Barrière. Sophie est en Charentes et s’occupe du marketing pour la propriété de son mari à Cognac. Grégoire est dans l’intelligence artificielle, un monde mystérieux pour moi. Charlotte est médecin généraliste.
Flot de conscience
- Une bouteille mémorable : La Tâche 1951 dans mon enfance ou Vieux Château Certan 1945 car c’était lié à des moments familiaux émouvants
- Un cépage : le merlot, mon cépage roi
- Un millésime : 1998, ce n’est pas le plus grand mais c’est la 1ère fois où nous avons pu exprimer le terroir de Pavie Macquin
- Un plat : une belle entrecôte, c’est classique mais j’adore les grillades
- Une odeur : la truffe exprime aussi ce nous faisons sur nos argilo-calcaires
- Un arbre : le chêne
- Une destination : la Grèce pour un retour aux sources de la civilisation
- Un dimanche parfait : un bon repas familial avec mes enfants et une belle bouteille
Pour suivre Nicolas Thienpont : @nicolasthienpont et le Château Pavie Macquin : @chateau_paviemacquin
Le site web du Château Pavie Macquin
Vous pouvez me contacter à marie@cepagescommunication pour toute idée ou juste pour discuter, j’adore cela! Vous me retrouverez sur instragram @cepagescommunication ou encore ma page Linkedin
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