Cette semaine avec le #collectif21, je vous emmène dans le Roussillon avec Solenn et Dominique Génot au Mas Llossanes. Après 10 années passées en Toscane à Caiarossa (magnifique domaine en biodynamie), ils décident de se lancer dans un domaine qui soit en accord avec leur choix de vie et leurs valeurs. Le domaine du Mas Llossanes, avec ses 11 hectares de vigne entre 500 et 700 mètres d’altitude, l’un des plus hauts de France, et le maquis pour seul voisin regroupait tous les critères. C’est en 2016 qu’ils se lancent dans l’aventure. Conversion en bio immédiate, travail de titan dans les vignes et beaucoup de créativité ont été leurs défis.
C’est avec beaucoup d’admiration que je vous dévoile ce couple qui se cache derrière les bouteilles de Dotrera et Là-haut que j’ai dégustées. Leur histoire est inspirante pour tous les entrepreneurs car ils sont la preuve qu’avec passion, conviction, travail et créativité, tout rêve peut devenir réalité.
Suite à cette interview, je n’ai qu’une envie désormais : partir au Mas Llossanes ! Cette vidéo de présentation saura aiguiser vos papilles!
Peux-tu présenter votre aventure et le domaine?
Le passionné du vin au tout début, c’est mon mari Dominique. Je viens de Bourgogne et lui, d’Alsace. J’étais alors enseignante quand le groupe du Château Giscours, nous a proposé de s’occuper de leur propriété en Toscane, Caiarossa. Pendant les deux premières années, j’ai remonté les manches et j’ai été l’élève de Dominique qui m’a appris les étapes à la vigne et en cave. Cela a été un vrai déclic pour moi, même si je préférais la partie dégustation. J’ai donc passé un diplôme de sommelière avec l’Association Italienne de Sommellerie pour pouvoir m’occuper davantage de la partie accueil et la réception des clients sur place. Nous avons passé 10 ans en Toscane, lui s’occupait de la partie technique et commerciale et moi de la partie administrative et le réceptif. Un jour, on a réalisé qu’en fait on était complémentaire et qu’on pourrait gérer à nous deux une propriété. Petit à petit l’idée a fait son chemin jusqu’au jour où cela a été une évidence pour nous deux.
Comment s’est passé la maturation de ce projet?
Cela s’est fait très progressivement. Quand nous sommes arrivés à Caiarossa, le domaine comptait 11 hectares et maintenant, il y a plus de 40 hectares. Quand on passe à une telle taille, la gestion est donc différente. Chaque mission devient plus spécialisée et nous avions perdu le contact de chacune des étapes de la vigne à la cave en passant par la dégustation aux clients, qui nous plaisaient tant au début. Le domaine a toujours été en biodynamie toutefois, nous avions envie de revenir à une structure de domaine plus en phase avec nos valeurs. Nous voulions un projet global de vie où nous pourrions mettre en valeur un terroir, embaucher local, revaloriser de l’existant …
Comment votre choix s’est-il porté sur le domaine du Mas Llossanes?
On adorait la Toscane mais c’est une terre d’investisseurs, nous avons donc cherché des terroirs beaux mais qui soient accessibles d’un point de vue économique. Nous voulions profiter de notre expertise sur un vignoble du bassin méditerranéen, c’est pourquoi nous avons naturellement exploré le Languedoc-Roussillon. Pendant 2 années, nous visitions tous les week-ends des propriétés à vendre et des vignerons pour se faire une idée de l’appellation. Très rapidement, nous nous sommes orientés vers des terroirs d’altitude ou de coteaux. Nous avions visité le Mas Llossanes qui réunissait tous nos critères : 11 hectares d’un seul tenant entre 500 et 700 mètres d’altitude avec du maquis comme voisin. Mais, nous nous étions pas positionnés pour une question de rentabilité car nous étions sur environ 12 hl / ha sur les trois premières récoltes et il aurait fallu vendre les bouteilles à 50 euros pour que cela soit viable.
Après deux propositions d’achat sur d’autres propriétés, nous revenions toujours le jour même au Mas Llossanes juste pour voir. La deuxième fois, on s’est dit que c’était là qu’on voulait être. Après réflexion sur le vignoble en mauvais état, on s’était dit qu’en le remettant sur pied, on pourrait rattraper ce problème de productivité et donc rendre le projet possible. Voilà comment l’aventure a démarré en 2016!

Quels ont été les principaux défis à la reprise du Mas Llossanes?
Nous avons acheté des vignes et il n’y avait pas de cuverie, outillage ou bâtiments car tous les raisins étaient vendus à la cave coopérative locale. Il a fallu commencer par s’équiper pour faire une cave. Puis, le grand défi a été nos “plans quinquennaux” à la vigne, comme j’aime les nommer. Selon nous, 90% de la qualité du vin vient du travail réalisé à la vigne. C’était donc un chantier prioritaire. Nous avons supprimé tout ce qui était chimique et nous sommes passés en bio directement. Il a fallu remettre le labour en place, faire des amendements avec du fumier, protéger le vignoble des sangliers avec une clôture en dur longue de 3 kilomètres et mettre en place des semis hivernaux comme engrais verts. Dès 2019, qui correspond à la quatrième année végétative, nous avons eu malgré le temps chaud un retour de la vie avec des rendements de 30 hl/ha et une belle qualité.

Peux-tu nous parler de votre cuverie en paille?
Il faut considérer le projet comme une création de domaine. Nous avons donc avancé avec les budgets que l’on pouvait s’offrir sachant que nous avons commencé à vendre du vin qu’en 2018. La créativité était donc de mise! Nous avions un hangar agricole que l’on voulait isoler seulement partiellement car dans quelques années nous aurons une cuverie. Les cuves étaient faciles à isoler avec des anoraks de laine de verre ou isolant autour de chacune d’elles. Cela fonctionne bien. En revanche, pour la cinquantaine de barriques que nous avons, faire des anoraks n’était pas pratique. Nous voulions donc un caisson isolant et un jour, un copain, sur le ton de la plaisanterie nous a suggéré la paille qui est un super isolant naturel. Voilà comment nous avons donc un chai à barrique dans une petite maison de paille dans le hangar!
Le projet définitif de construction de cave va arriver d’ici 2021 environ. Ce projet de construction est une aventure pour nous car nous avons beaucoup de bâtons dans les roues des autorités. Il s’agit d’un projet agricole novateur où l’eau de pluie concentrée en hiver est utilisée l’été grâce à son stockage. Un bâtiment qui ne fonctionne uniquement à l’eau de pluie est totalement novateur et l’ARS n’était pas favorable. Puis, le Roussillon est une région très touristique où les constructions en dehors des hameaux ne sont pas autorisées pour ne pas dénaturer le paysage. Cela est donc un problème pour nous.
Nous avons donc repensé notre projet pour nous orienter vers la reprise de la cuverie en ruine d’une coopérative à quelques kilomètres. Nous gardons bien entendu les panneaux photovoltaïques et nous n’aurons pas ce problème d’eau car elle est située dans un village.
Quels sont les défis de demain pour le domaine?
Le défi climatique vient immédiatement à l’esprit surtout lorsque l’on est dans le Roussillon. Par chance, nous sommes peu impactés par cette problématique car nous sommes l’un des vignobles les plus hauts de France, entre 500 et 700 mètres, et nous bénéficions de cette fraîcheur. Nous pouvons laisser mûrir les raisins jusqu’à début octobre, date de nos vendanges décalées d’un mois avec la plaine situées à 4 km, sans atteindre les 14 degrés d’alcool.
Notre principal défi est commercial. Le Roussillon ne bénéficie pas encore de l’excellence de ses appellations et vendre des vins d’artisans au dessus des 10 euros demande beaucoup d’efforts. Il faut expliquer pourquoi, avoir des outils de communication bien faits et surtout faire connaître les vins de Roussillon aux dégustateurs et sommeliers surtout à l’international où le Roussillon est encore associé à des vins peu chers et peu qualitatifs.

Quelle est votre situation commerciale actuelle?
En 2019, nous avions un bel équilibre de vente avec un tiers à l’export, un tiers en France et un tiers aux particuliers. Toutefois, nous ne vendons pas encore toute notre production, nous créons des stocks et par conséquent, il faut que nous développions les ventes. Au début, nous avons travaillé avec un réseau traditionnel d’agents mais très vite, on s’est aperçus que nos vins avaient besoin d’être expliqués et avaient tendance à disparaître sur une carte de 200 références. C’est pourquoi, Anthony nous a rejoint sur le domaine. Nous sommes interchangeables et le message est bien plus pertinent, avec la limite du facteur humain car nous ne sommes que trois pour tout faire.
Comment intégrez-vous l’œnotourisme dans votre activité surtout dans une région aussi touristique que le Roussillon?
Notre point fort, c’est notre vignoble qui est d’une beauté à couper le souffle. Je vous invite tous à venir nous voir si vous passez par là. Pour démarrer une activité œnotouristique, c’est quelque chose d’unique et qui marche forcément. Pour le moment, nous recevons les personnes dans notre chai de vinification, peu reluisant pour faire du réceptif. Nous prenons cela avec le sourire, nous leur expliquons notre projet et les étapes où nous en sommes. Les personnes comprennent mais cela peut se faire qu’avec un certain profil de personnes qui sont sensibles au vin. Quand nous aurons notre cave, c’est évidemment une activité que l’on développera car j’adore cela et Anthony y croit aussi. Cela sera aussi bénéfique pour l’image des vins du Roussillon.
Comment aimes tu parler de tes vins?
J’en parle comme des personnalités. La première année, nous avions les parcelles, les raisins, les vins en cuve et nous avions toutes les cartes en main pour créer notre gamme. Avec Dominique, nous sommes partis sur la création de personnalités.
Dotrera est gastronomique avec de la structure et de la puissance tandis que Au Dolmen est lui, plus convivial et consensuel. Ces deux vins sont le cœur de notre production. Puis, nous voulions un rosé de vigneron de pressurage élaboré avec toutes nos vieilles vignes de Cinsault, certain nous disent que c’est une folie, mais nous trouvons qu’avoir un rosé complète la gamme.
Nous avons également des vins plus confidentiels que nous nommons “les purs” dont le rosé, pur cinsault, fat parti. Nous avons voulu réorganiser notre gamme dans cette optique pour valoriser les cépages que nous avons ici. Dans cette gamme nous avons, le pur Chasan, cépage blanc issu du Chardonnay et du Listan andalou (vin oxydatif avec beaucoup de personnalité) qui est situé sur une de nos parcelles les plus hautes en altitude. C’est un vin atypique avec des arômes de chardonnay rassurants mais avec un volume puissant aromatique avec des pointes de cardamome par exemple.
Nous sommes naturellement sortis de l’AOC Côte du Roussillon qui interdit le mono-cépage. C’est une aberration pour nous car qui mieux que nous, vignerons du Roussillon, pouvons mettre en avant le Carignan? C’est comme si les bourguignons refusaient de valoriser le Pinot Noir! Nous travaillons désormais sous l’appellation IGP pour plus de liberté avec les cépages (le Chenanson et le Chasan ne sont pas autorisé en AOC) et après avoir sondé nos clients, nous sentions que cela ne serait pas un problème pour eux.
Le dernier né en 2019 est Là-haut, un pur carignan. La création de cette cuvée reflète typiquement le plaisir de travailler pour soi. A la fin de la fermentation fin novembre, nous avions goûté la cuve et nous avions senti qu’il était différent des autres et c’était dommage de l’assembler dans Dotrera ou Au Dolmen. Il se goûtait déjà très bien et après analyse au printemps, on a décidé de le mettre en bouteille sans ajouter plus de sulfite. Cela nous permet d’avoir un vin élégant et facile à boire dès cet été pour la première année de notre labellisation en bio, 2019. C’était assez simple et intuitif!

De quoi êtes-vous les plus fiers aujourd’hui?
Nous avons été tellement fiers de remporter le concours Vignerons et Terroirs d’avenir de Advini. Peu connu du public, réservé aux jeunes vignerons, le concours est composé de grandes pointures comme Michel Bettane entre autre. Ils sélectionnent les poulains de demain et le fait d’avoir été sélectionné est une immense fierté et un encouragement. Cette récompense nous a rassuré dans un projet où l’on investit beaucoup.
Ensuite, aujourd’hui, nous sommes fiers d’embaucher local et de redynamiser le village. C’est une fierté de se dire qu’on redonne vie à un endroit qui aurait peut être laissé en friche. On laisse une empreinte positive, je l’espère.

Avez-vous des mentors ou vignerons qui vous ont inspirés?
Nous avons rencontré de nombreux vignerons biodynamistes en Toscane qui nous ont beaucoup inspiré. Je pense à la Tenuta di Valgiano ou encore Axel Heinz de Ornellaia. Nous étions entourés de vignerons très compétents avec qui nous faisions de belles dégustations et échangions beaucoup. Dominique a aussi été très marqué par son premier stage avec Olivier Humbrecht du domaine Zind-Humbrecht.
Il y a bien entendu également Alexander Van Beek, le directeur général du Château Giscours, Château le Tertre et Caiarossa, qui nous a embauché alors que nous étions jeunes. Il nous a formés et nous a appris énormément de choses sur la gestion d’un domaine avec beaucoup de bienveillance et de délicatesse.
Découvrez cette vidéo qui finira de vous séduire, j’en suis sûre !
Flot de conscience
- Un film : Tarantino
- Une musique : un vieux ska
- Un plat : influence italienne… un poisson fraîchement pêché, au four avec juste un filet d’huile
- Un sport : équitation et apnée
- Un cépage : le carignan
- Un millésime : 2017 pour la qualité du millésime et pour la symbolique car c’était la première année où nous étions plus sereins dans la prise de nos décisions
- Une bouteille mémorable : c’était à l’Enoteca di Pinchiorri, un Puligny Montrachet 1er Cru de Olivier Leflaive
- Une couleur : le bleu
- Une odeur : la garrigue
- Une destination: la Polynésie pour l’apnée
- Un dimanche parfait : il fait beau, en famille et on décide de faire une activité extérieure soit côté montagne soit côté mer. Nous avons la chance d’être à 30 minutes des deux.
Pour suivre le domaine Mas Llossanes sur Instagram @masllossanes
Le chaîne youtube du Domaine du Mas Llaossanes : Mas Llossanes
L’ensemble de ces textes et photos est le fruit d’un travail personnel, passionné, engagé et de longue haleine. Je vous remercie d’avance de militer pour le respect de la création artistique en ligne. Si mon travail vous plait et vous inspire des projets, contactez-moi à marie@cepagescommunication.com. Toute reproduction ou plagiat sont interdits.